Impressionnant. Poignant. Emouvant. Trois qualificatifs qui peuvent au mieux caractériser la cérémonie de clôture de la Rencontre de la Paix, qui s’est achevée hier à Anvers. Et c’est l’Albanie qui accueillera en 2015 cette réunion annuelle organisée par la communauté Sant’Egidio.
Mardi soir, la Grand’Place d’Anvers s’était mise à l’heure de la paix mondiale. Après trois jours de discussions, d’ateliers de travail, de conférences, le Rencontre pour la Paix a trouvé son épilogue lors d’une cérémonie particulièrement prenante et empreinte d’espérance. « La Paix est l’Avenir – Religions et Cultures en dialogue, 100 ans après la Première guerre mondiale », était le thème de cette réunion annuelle organisée par la communauté Sant’Egidio, dans l’esprit de la rencontre d’Assise initiée par le pape Jean-Paul II en 1986. La place anversoise était noire de monde – plusieurs milliers de personnes étaient présentes et des drapeaux à l’effigie du mot « paix » dans toutes les décoraient les allées – et les applaudissements ont fusé lorsque les quelque 350 dignitaires religieux et de toutes les religions du monde entier ont pris place sur l’estrade face à la foule. Une cérémonie rehaussée par la présence de la Reine Mathilde, accueille par l’évêque d’Anvers Mgr Bonny, par la gouverneure de la province, par plusieurs parlementaires, par les responsables de Sant’Egidio et par les autorités de la métropole… à l’exception du bourgmestre Bart De Wever, étonnamment absent.
« Une guerre ne peut jamais être sainte »
Comment ne pas vibrer alors à la vue de cette image d’une estrade où se retrouvent côte à côte des représentants de religions dont on croit parfois qu’elles sont la cause de guerre à travers le monde. Plus encore aujourd’hui, ce sentiment était précisément renforcé par les différents qui agitent la planète, de l’Ukraine à l’Afrique, en passant par la Syrie, l’Irak et la Terre sainte. Durant près de deux heures, témoignages et remerciements se sont succédés à la tribune. D’abord celui de Mgr Johan Bonny, évêque d’Anvers et hôte de la Rencontre. Il a rappelé la qualité du dialogue qui s’est déroulé pendant ces trois journées et remercié tous ceux qui ont contribué au succès et au bon déroulement de cette rencontre, notamment la communauté Sant’Egidio d’Anvers. « Il n’est pas facile de construire des ponts le dialogue et l’amitié dans le monde. Nous y sommes arrivés et pouvons en être fiers », a souligné Mgr Bonny, rappelant que ces réunions annuelles n’auraient jamais pu avoir lieu, sans la compétence et la vision de la communauté Sant’Egidio, dont il a remercié son fondateur, le professeur André Riccardi.
Celui-ci a ensuite pris la parole pour rappeler l’esprit des Rencontres de la paix. Il a souligné que la guerre n’a pas d’avenir, mais qu’il reste beaucoup à faire. « Une guerre ne peut jamais être sainte, seule la paix peut l’être. Seule la paix représente l’avenir », a martelé à plusieurs reprises Andréa Riccardi. D’autres personnes se sont ensuite relayées à la tribune, pour témoigner de situations existantes à Mindanao, en république Centrafricaine ou plus vécues personnellement comme ce témoignage de cette survivante des camps de la mort nazis, seule rescapée de sa famille. Le vice-président du Parlement européen, Antonio Tajani, a lui aussi rappelé que l’Europe a pu se construire grâce à cette volonté des pays, ensanglantés par deux conflits meurtriers au XXe siècle, de vivre en paix. « La paix est le résultat d’un travail de longue haleine, car cela signifie qu’il faut promouvoir la solidarité et l’égalité », a-t-il déclaré.
Au revoir Anvers, bonjour Tirana
Un tonnerre d’applaudissement a ensuite accueilli Mgr Avgustini Lucjan (photo), l’évêque de Tirana, en Albanie, qui, après avoir rappelé les années tragique de la dictature niant les religions et la foi, a annoncé que l’édition 2015 de la Rencontre de la Paix aurait lieu dans la capitale albanaise. Un vieux rêve de la communauté Sant’Egidio qui se concrétisera donc.
La cérémonie s’est ensuite achevée par la lecture de « l’ Appel de la Paix 2014 », lu par une jeune fille et un jeune homme et par le traditionnel allumage des cierges par tous les représentants des religions présents, qui ont ensuite signé cet appel.
Rappelons que du 7 au 9 septembre la 28e Rencontre internationale pour la paix de Sant’Egidio a permis de parler de paix, non par des slogans et des vœux pieux, mais, compte tenu du contexte international actuel, il fallait aller plus loin. Dès le début de la rencontre, Andrea Riccardi, fondateur de la communauté de Sant’Egidio, évoquait le fait que l’on ne pouvait « se contenter de propos édulcorés »
Religion ne peut rimer avec violence
Tous les témoignages et allocutions qui se sont succédés durant ces journées sont allés dans ce sens. Il fut rappeler que si la Première guerre mondiale avait fait huit fois plus de victimes militaires que civiles, « dans les conflits d’aujourd’hui la proportion s’est dramatiquement inversée », et que le degré de violence religieuse dans le monde, n’a jamais été aussi fort.
Tous les participants, qui avaient aussi pris connaissance du message du pape Fraçois, ont tenu à rappeler que « religion ne peut rimer avec violence ». « L’islam est une religion du dialogue », a ainsi affirmé lors de la séance inaugurale, le grand mufti d’Égypte, qualifiant les partisans d’un islam extrémiste et radical, de « personnes laïques qui s’érigent en autorités religieuses » et qui « ouvrent la porte à des interprétations extrémistes de l’islam, qui lui sont étrangères ».
Rencontre avec 2000 jeunes Belges
Des témoins ont pu raconter leur expérience et leur vécu, se disant soucieux de privilégier les actes au quotidien pour aider leurs proches à devenir « des êtres spirituels qui portent la lumière ». Comment ne pas se réjouir de voir que c’est possible comme ce témoignage de Muhammad Ashafa et du pasteur James Wuye, qui se sont violemment opposés dans le cadre de combats religieux, et sont devenus ensuite amis. Ils sont tous deux codirecteurs du Centre de médiation interreligieux de dialogue chrétien-musulman de Kaduna, au nord du Nigeria.
Lors de cette journée de mardi, après avoir témoigné lors devant près de 2.000 jeunes Belges, et prié pour la paix dans des lieux différents et selon leurs traditions religieuses, les leaders religieux ont donc rejoint la Grand’Place d’Anvers pour la cérémonie de clôture et lancer au monde un appel de la paix commun.
Jean-Jacques Durré
Lire l’Appel de la Paix 2014
Voir le site de Sant’Egidio et les détails de la Rencontre d’Anvers